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Modèle mémoire introduction générale économie

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Introduction générale

Irving Fisher (1867-1947) possède, en histoire de la pensée économique, une place bien singulière. Comme le souligne Joseph Schumpeter1 : comment se fait-il que celui qui fut sans doute le plus grand économiste américain de son époque n’ait pas été apprécié à sa juste valeur par ses contemporains ? Les raisons de cet insuccès sont multiples : caractère trop original de Mathematical Investigations in The Theory of Value and Prices (1892), accueil mitigé des réformes proposées concernant la compensation du dollar2, sous-estimation de la richesse de Theory of Interest (1930) par Fisher lui-même ou encore son excès d’optimisme durant le boom précédant la crise de 1929 et le début de la récession qui lui fit perdre non seulement sa fortune mais également, semble-t-il, sa réputation. Né à Saugerties dans l’Etat de New-York, Fisher mena toute sa carrière universitaire à Yale : il y fait ses études, soutient sa thèse en 18923, devient professeur en 1898 et y enseigne jusqu’en 1920. Il meurt en 1947 sans être véritablement reconnu par ses pairs, éclipsé par la révolution keynésienne.

Pourtant, l’oeuvre de Fisher est considérable. Pour paraphraser Schumpeter, « aucun américain n’a plus contribué, en économie, à l’avancement d’un sujet qu’il avait choisi ». Aussi bien le contenu de ses travaux (allant de l’utilité aux choix intertemporels en passant par le taux d’intérêt ou le capital), que sa méthodologie innovante (recours fréquent aux mathématiques, usage important des statistiques) marquent la recherche en économie. Mais Fisher demeure encore aujourd’hui essentiellement connu pour avoir fourni une des premières formulations rigoureuses de la théorie quantitative qui tienne compte de la monnaie bancaire. Dans The Purchasing Power of Money (1911), il expose la célèbre équation des échanges, MV + M’V’ = PT dans laquelle la somme de la masse monétaire (M) et des dépôts à vue (M’) multipliée par leurs vitesses de circulation respectives (V et V’) est égale au niveau général des prix (P) multiplié par le volume des transactions (T). En supposant que les vitesses de circulation sont constantes car déterminées par les habitudes de paiements et le système monétaire, que le volume des transactions est lui aussi relativement stable au cours du temps et que M’ est un coefficient des réserves monétaires, alors tout accroissement de la masse monétaire engendre bien un accroissement proportionnel des prix. A long terme, les variations de prix permettent donc d’absorber tout choc monétaire, ce qui revient à dire que la monnaie n’a aucun effet macro-économique au-delà du court terme pour Fisher.

A cet égard, la lecture de son article sur les dépressions, The Debt-Deflation Theory of Great Depressions (1933), ne manque pas de surprendre. Dans le nouveau cadre explicatif adopté, il soutient que la monnaie affecte la production, l’emploi et le taux de profit des entreprises, et d’autre part que l’économie peut sombrer dans une spirale déflationniste jusqu’à imploser dans une crise systémique. L’article de 1933 qui reprend et synthétise son ouvrage de 1932, Booms and Depressions, apparaît ainsi en rupture avec ce qui précède dans l’analyse de Fisher tant sur la dimension autorégulatrice du marché que sur les propriétés de la monnaie.

A travers la question de l’articulation entre l’article paru en 33 et The Purchasing Power of Money, le but de notre travail va consister à interroger la cohérence d’ensemble de l’oeuvre de Fisher sur un point précis : sa conception de la stabilité de l’équilibre économique. En effet, comment expliquer que dans son analyse de 1911, les forces de marché soient en mesure de réguler l’activité économique, tandis qu’en 1933 les perturbations deviennent incontrôlables et chaotiques ? Autrement dit, comment expliquer, chez Fisher, le passage d’une instabilité locale, définie comme des crises absorbées par le système économique, à une instabilité globale, entendue comme l’incapacité du marché à restaurer l’équilibre économique ?

En macro-économie, la stabilité de l’équilibre économique soulève trois grands types d’enjeux. Premièrement, l’existence (ou non) de cette propriété détermine la convergence (ou non), pour un fonctionnement normal du système économique, vers l’équilibre. La réalisation d’un optimum au sens de Pareto5, qui correspond à une situation dans laquelle tous les plans des agents se trouvent accomplis dépend ainsi du caractère stable de l’équilibre économique. Secondement, en cas d’instabilité, se pose la question de sa dimension locale ou globale, c’est-à-dire : l’altération de la convergence vers cet équilibre est-elle de nature passagère (de court terme) ou permanente (de long terme) ? Dire qu’un système économique est globalement instable revient à soutenir que si l’économie est laissée à elle-même, alors les contradictions qui la structurent sont suffisamment profondes pour provoquer une crise systémique conduisant à l’effondrement du système en place et à sa substitution. Enfin, une troisième série d’interrogations porte sur la provenance de l’instabilité économique : est-elle produite par le fonctionnement du système économique lui-même ou bien à l’inverse résultet- elle de perturbations externes ? Dans un cas, l’instabilité est endogène et l’économie est porteuse de ses propres maux ; dans l’autre, l’instabilité est exogène et l’économie occupe un rôle sinon stabilisateur, au moins neutre dans la reproduction de l’ordre social.

La question de la stabilité de l’équilibre économique chez Fisher a été peu abordée en histoire de la pensée économique, essentiellement car ses travaux des années 30 restent méconnus et dominés par l’ombre de John Maynard Keynes. La macro-économie prékeynésienne souffre encore de nombreuses idées reçues et les apports de Fisher dans ce domaine demeurent largement ignorés6. Robert Dimand est très certainement l’auteur le plus prolifique à ce sujet. En 2005, dans Keynes, Fisher and the corridor of stability, il suggère que l’étude de Fisher porte sur en 1911 les fluctuations auto-entretenues au sein du corridor de stabilité tandis que ses analyses des années 30 le conduisent à mettre en évidence les propriétés d’instabilité globale de l’économie. L’élément décisif dans l’évolution de sa pensée s’explique alors par la prise en compte dans The Debt-Deflation Theory of Great Depressions de l’encours de dette privée qui, en augmentant, réduirait le corridor de stabilité et rendrait plus sensible l’économie à de petits chocs, alors qu’elle serait en mesure d’encaisser de grands chocs pour des niveaux d’endettement plus faibles. Cette thèse a notamment été reprise par Michaël Assous (2011), qui voit dans la prédominance des effets de variations de prix au cours de la déflation sur les effets de niveaux de prix l’explication du caractère globale de l’instabilité. Cette dernière n’était pas présente dans les analyses de 1911 de Fisher car il ne tenait alors pas compte du stock de dette privée dans l’économie, et au cours des crises les effets de niveaux dominaient ainsi les effets de variations ce qui permettait au marché de réguler les fluctuations.

Pour notre part, nous pensons, comme ces auteurs, que les apports de la déflation par la dette impliquent chez Fisher une nouvelle conception de la stabilité de l’équilibre économique. Néanmoins, nous ne situons pas au même niveau la cause centrale de ce basculement. En effet, pour nous, c’est plutôt dans la nouvelle manière dont Fisher se représente le comportement de l’acteur économique à l’origine des fluctuations que réside l’explication. Nous opposerons ainsi deux dynamiques économiques à l’œuvre chez Fisher. Une dynamique monétaire, initiée par les banques, décrite en 1911 à travers les cycles de crédit dont les effets sont globalement stabilisants pour l’économie, même si localement elle ne converge pas vers l’équilibre. Et une seconde dynamique, financière, soumise aux fluctuations de la valeur nette des firmes, qui apparaît sous la plume de Fisher après la crise de 29 et se traduit par des effets globalement déstabilisants pour l’économie. L’équilibre devient globalement instable dès lors que la dynamique financière est plus puissante que la dynamique monétaire c’est-à-dire dès lors que les anticipations des firmes prennent le dessus sur celles des banques dans le déroulement de l’activité économique. Nous verrons que Fisher développe dans The Theory of Interest (1930) une vision alternative de la formation des anticipations des agents de celle qui soutenait son analyse de 1911. Aussi, c’est parce que les entreprises ne forment pas leurs anticipations de la même manière que les banques que leurs actions peuvent être déstabilisantes, tandis que celles des banques sont à l’inverse stabilisantes. La thèse de notre étude consistera ainsi à soutenir que la nature des anticipations des agents et la manière dont elles se répercutent sur l’économie déterminent le caractère local ou global de l’instabilité économique chez Fisher c’est-à-dire la gravité et la durée des crises.

Pour démontrer ce résultat, nous procéderons en quatre étapes. Dans une première section, nous présenterons de manière générale l’épistémologie de Fisher et de quelle façon il se représente l’équilibre et les fluctuations économiques autour de celui-ci. Il apparaîtra alors que, de son point de vue, l’équilibre est une fiction seulement valable logiquement en statique ce qui revient à inscrire l’étude de l’activité économique dans le cadre du déséquilibre. Dans les seconde et troisième sections, nous exposerons tour à tour sa conception de la stabilité de l’équilibre économique en 1911, puis en 1933. Cette opposition confirmera la thèse d’Assous8 selon laquelle l’analyse dynamique chez Fisher est d’abord marquée par une instabilité locale tout à fait originale (l’équilibre économique est stable sans convergence) puis par une instabilité globale qui le mène à plaider en faveur de politiques interventionnistes de l’Etat et de la Banque Centrale pour relancer l’économie. Enfin, dans la quatrième et dernière section, nous traiterons la question de la formation des anticipations chez Fisher. Nous opposerons alors sa théorie de l’inégalité des prévisions au modèle de choix intertemporels qui lui permet de déconnecter les décisions d’épargne des décisions d’endettement et explique le passage d’une dimension locale à une globale de l’instabilité. Dans notre interprétation, l’illusion monétaire n’est plus la seule responsable de l’instabilité des fluctuations, et nous ferons apparaître que c’est précisément parce qu’il n’existe aucun mécanisme marchand garantissant a priori l’identité entre somme des intérêts particuliers privés des firmes et leur intérêt collectif que les crises économiques peuvent devenir systémiques. Cette absence de corrélation nous amènera à pointer les contradictions de la logique et de la structure du système capitaliste, car ce sont elles in fine qui sont mises en cause dans l’analyse de Fisher.

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